J’ai trouvé l’amour en toi

Spread the love

.

.

.

.

Ce texte a été écrit en s’inspirant de la chanson de Major – Why I love you.

.

.

.

– Bonjour ! Je m’excuse pour mon retard. Il y a un embouteillage monstre sur la route du Canapé-vert ce matin. J’ai joué pieds et mains pour être-là. Et sachez que je suis conscient que mon retard ne joue pas en ma faveur, mais si vous prenez le temps de regarder mon dossier et de discuter avec moi, je suis sûre que vous…

– Il me semble que vous êtes sûre de trop de choses, mademoiselle.

– Hélène. Je m’appelle Hélène.

Et pour la première fois depuis que la jeune femme mit les pieds dans son bureau, il leva la tête vers elle pour lui accorder un regard. À la tête de cette nouvelle entreprise d’échange de services qui est très prisée dans la capitale et dans les grandes villes du pays. Charles, en tant que Directeur et membre fondateur de Twoke Lavi en avait cure de savoir que la personne assise devant lui avait un nom ou pas. Et s’il s’est arrêté dans la lecture du CV en face de lui, c’est parce qu’il était exaspéré et s’apprêtait à faire une de ses remarques désobligeantes qui le rendait célèbre pour son mauvais tempérament. Les mots se sont formés automatiquement dans son esprit, il aurait pu les débiter de sa voix posée, chaude et grave tout en gardant la même position. Cependant, avec une pointe de vanité, il aimait injurier les gens, sans vraiment le faire, en les regardant dans les yeux. Observant avec attention les traits de leur visage qui se crispèrent, essayer de deviner quand son interlocuteur va se rendre compte qu’il est en train de se foutre royalement de lui.

Mais cette fois-ci, Charles resta muet à la vue d’Hélène. Ses propos acerbes se perdirent au fond de sa gorge. C’était la seconde fois qu’il la voyait et pourtant la sensation était pareille à celui d’un être cher que l’on retrouvait après des années et des années de séparation. Enfin, elle était là devant lui. À cela, Charles n’était pas prêt. Hélène non plus, car sans dire un mot, elle attrapait déjà son sac pour prendre ses jambes à son cou. Voyant la jeune femme qui allait s’enfuir, Charles réduisit l’espace qui les séparait en deux enjambées. Il l’a pris dans ses bras, l’emprisonna dans son étreinte en l’enlaçant, l’entourant de sa personne toute entière.

Le corps d’Hélène épousait parfaitement celui de Charles, comme l’autre moitié d’un puzzle, leurs deux corps se complétaient. Le souffle court, il examinait, sa bouche, ses yeux, ses cheveux, son nez, son cou. Il la touchait, doucement, avec précaution et déférence. Comme une petite poupée de porcelaine que l’on gardait fermement dans les mains. Le cœur d’Hélène battait à tout rompre. Elle savait que c’était un espace de travail, et qu’un mot, qu’un tout petit cri aurait forcé le jeune homme à lâcher son étreinte. Mais en avait-elle envie ? Ou bien, se sentait-elle en danger ? Aucune de ces préoccupations ne lui vint en pensée. C’étaient les mains douces et chaudes de Charles qui lui caressaient le visage et monopolisaient ses sens et lui faisaient perdre la raison. Hier encore, elle pleurait sur son oreiller, en pensant à lui.

Et aujourd’hui une chaleur envahissait son cœur, tout son corps, lui redonnait soudain vie. Elle est morte depuis leur brusque séparation. Quoi faire quand nous sommes conscient.e que nous rêvons, voulons, souhaitons une chose que l’on croyait impossible et le recevoir sans l’avoir demandé, au creux de la main ? Souffrir de ce manque, oublier de respirer en se remémorant caresses et baisers. Hurler de douleur tellement notre corps est en feu du souvenir de la présence d’une personne. Et que c’est être, est devant vous au moment où vous vous y attendez le moins.

Peut-être est-ce pour cela, qu’elle ne fit aucune résistance lorsque Charles l’enlaçât, effleura de ses doigts son visage avec adoration. Il happa ses lèvres comme si elles lui ont toujours appartenu. Elle répondit même à son baiser. Il n’y avait pas de quoi se mentir, elle ne cherchait que ça. Retrouver ses gémissements, ses soupirs, son sourire, ses plaisirs de la chair qu’ils se sont mutuellement procurés. Mais l’arrière-goût de la dernière fois refaisait surface, alors elle le repoussa brusquement, et se dirigeait vers la porte.

– Non ! Non ! Pas cette fois-ci Hélène. Ordonna-t-il en l’attirant vers lui et en profita pour s’enfermer à clé dans la pièce.

– Arrête…arrête…euh….bredouillait-elle

– Charles. Mon nom est Charles.

– Je dois m’en aller, Charles. déclara-t-elle avec un air de défi.

– Je croyais que tu le voulais, ce travail ?

– Quoi ? Qu’est-ce que tu insinues ? s’écrit-elle la colère plein les yeux.

– Désolé. Je m’y prends mal. Attends, rassieds-toi s’il te plaît Hélène.

– Charles, je…

– Je t’en prie. Je sais bien que je ne peux pas te forcer à faire quelque chose que tu ne veux pas. Je l’ai appris à mes dépens la dernière fois, sur cette plage. Mais tu l’as dit toi-même, il y a une chance sur un million que nos chemins se recroisent, et je pense que c’est une occasion à ne pas rater.

– Non, non, ça suffit.

– J’ai trouvé l’amour en toi, Hélène.

– Quoi ? demanda-t-elle incrédule et totalement perdue.

– Et j’ai appris à m’aimer aussi. Toi, moi, deux inconnus sur cette plage, durant l’espace d’un week-end, nos cœurs se sont entrelacés dans une parfaite harmonie et….

– Non ! Non ! C’est quoi cette histoire à l’eau de rose, sérieusement. On s’est rencontrés, tu m’as plu, je t’ai plu, on a passé le week-end ensemble. C’est tout ! Pas d’attaches, pas de sentiments, rien. C’est ce que nous avions convenu.

– Oui, je sais. C’est pour cette raison que je t’ai laissée partir quand tu le voulais, malgré que ce fût la dernière chose que je souhaitais, te perdre.

– Charles…

– D’accord ! D’accord ! Si je mens, pourquoi tu m’as rendu mon baiser de tout à l’heure ?

– En honneur du bon vieux temps.

– Tu mens. déclara-t-il, pas du tout décontenancé par la réponse de la jeune femme.

Et en alliant le geste à la parole, il se leva de son propre siège, s’approcha d’elle, l’embrassa encore une fois. Et comme toutes les autres fois, Hélène ne peut s’empêcher d’apprécier le goût de ses lèvres, de se laisser aller et d’en demander plus. De même qu’une cuillère de votre nourriture préférée, vous refusez pour une raison ou pour une autre. Mais c’est peine perdue, il fallait empêcher qu’il tombe sous votre langue, qu’il entre dans votre bouche, envahisse vos papilles gustatives. Et de là, plus moyen de faire un retour en arrière, c’est humainement impossible. Il ne vous reste qu’à apprécier, qu’à aimer et à vouloir d’avantage. Avec regret, mais vous le ferez.

– Tu vois ? Tes lèvres sont faites pour les miennes. dit-il d’un air triomphant.

– Mais ce n’est pas de l’amour. Tu ne peux pas me dire que tu m’aimes. C’est…

– Je t’aime parce que tu as été la première à m’aimer Hélène.

– Tu délires. Laisse-moi partir. Nos journées à cet hôtel sur la plage au soleil, c’étaient de bons moments, mais tout s’est arrêté là-bas. Ici…

– Ici, c’est une autre histoire. Je sais. Mais aucun autre moment ne pourra être comparé, aucune autre femme ne pourra te remplacer et aucun autre amour ne se fera.

À cet instant, quelqu’un frappa doucement à la porte du bureau. Charles alla ouvrir d’une main tremblante, il avait peur qu’Hélène en profita pour partir. Il pourra rien faire, sans provoquer un scandale ou les mettre mal à l’aise tous les deux. Avec précaution, il entrebâilla la porte pour communiquer discrètement avec l’employé qui vient l’avertir de la venue du nouveau candidat. Il tenait à recruter lui-même son assistant de direction, et avait ordonné une première sélection à son responsable de ressources humaines. Trois d’entre eux ont été choisis, parmi eux, Hélène. La femme qu’il a connue pendant trois jours sur cette plage paradisiaque des côtes des Arcadins.

Ils se sont aimés sur le sable chaud, l’eau salée de la mer qui caressait ses orteils, sous un ciel étoilé. Et après avoir fait l’amour pour la dernière fois, cette nuit, il lui avait chuchoté à l’oreille qu’il l’aimait. Chaque instant dont elle a souri, douleurs, soucis, problèmes, et turpitudes avaient disparu de son cœur, de ses pensées. Subjugué par elle, Charles ne demandait que les jours durent plus longtemps que d’habitude et que les nuits s’allongent de même que ses étoiles qui s’alignaient, infinies et immuables.

– Comme tu me l’as déjà dit, le jour de notre départ de cette plage, que c’était absurde que je tombe amoureux de toi en si peu de temps. Je t’en prie de ne plus me le redire. Ça m’a fait mal, parce que je me suis senti compris, aimé et voulu de toi.

– Charles, je….

– Et c’est pour cela que je t’aime Hélène. Pour toujours et durant ce moment présent, tu es dans mon cœur et tu y resteras. Tu ne partiras pas, quoi que tu fasses. Je t’emprisonne ici. Je t’emprisonne ici, répétait-il en montrant sa poitrine.

– Je ne suis pas venue pour ça.

Charles eut un rire, face à l’incongruité de la situation et ajouta :

– Oui, tu es venu en retard à ton entretien d’embauche. Mais tu m’as trouvé. Dire que je m’imaginais arpentant les rues comme un fou, allant à ta recherche. Heureusement que je ne l’ai pas fait, je suis resté dans mon bureau, me noyant dans le travail, gardant mon esprit toujours occupé, pour ne pas penser à toi.

– Cela fait plus de six mois, je…

– Huit mois, vingt jours, plus exactement.

– J’ai cru que c’était de l’histoire ancienne.

– Pas pour moi. Je te l’ai déjà dit Hélène. Ici, c’est une autre histoire, et elle ne vient que de commencer.

Hervia Dorsinville

4 août 2019

Carrefour, Port-au-Prince, Haïti


Spread the love

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *